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L'histoire commence en 2003... cette année exceptionnellement solaire, compliquée pour nos vignobles septentrionaux, révéla, pour la première fois, un domaine remarquable au coeur des coteaux historiques de la Champagne, propriété de Louis Roederer.
C'EST L'HISTOIRE DE LA RE-DÉCOUVERTE D'UN DOMAINE SINGULIER... UN VIGNOBLE SÉLECTIONNÉ PAR LA 7ÈME GÉNÉRATION DESCENDANT DE LOUIS ROEDERER !
Situé au coeur des coteaux argilo-calcaires riches en pierres à meulières de Cumières, d'Hautvillers mais aussi de Vertus, cet ensemble de parcelles n'exprima aucun "stress" lors des chaleurs et de la sécheresse de l'été 2003. Mieux encore, il donna naissance à des raisins aromatiques, intenses et équilibrés ; ses vins, vinifiés séparément, parcelled par parcelle, se distinguèrent ensuite par une maturité aromatique aboutie, une texture crémeuse et une fraîcheur vibrante.
Des rendements modérés, une vendange rapide, un faible débourbage lié aux températures chaudes de la vendange estivale de 2003, l'absence de chaptalisation et de fermentation malolactique, associés à une fermentation 100% sous bois, furent autant d'événements "anormaux" à l'origine de matières denses, presque astringentes, et d'une incroyable fraîcheur. Tout ceci nous encouragea à mettre en place une série d'essais en bouteille. Les essais se peaufinèrent en 2003, 2004 et 2005 pour aboutir à un tirage du millésime 2006.
UNE RENCONTRE
La rencontre entre Frédéric Rouzaud et Philippe Starck stimula notre audace et notre créativité au point de pousser cette expérience encore plus loin : les vins de ce domaine seront élaborés à partir de conversations, d'échanges de mots, d'idées, de concepts... à la recherche de l'épure du champagne !
La traduction de ces discussions et de ces mots dans la culture du raisin et l'élaboration du vin constitue l'acte fondateur et créateur de cette cuvée dont la vocation est d'évoluer continuellement, dans un espace de liberté assumée, en s'inscrivant dans une démarche de création contemporaine... la Recherche de l'OEuvre !
Trois mots fondateurs sont ici exprimés dans le Brut Nature 2006 :
_ Honnêteté et Vérité recentrent sur un vin de propriétaire ; un millésime solaire "atypique" ; une terre singulière, argileuse et caillouteuse ; une maturité aboutie ;
_ Abstraction fût difficile à appréhender techniquement et incite à rechercher l'épure et simplifier nos pratiques : vendanger le domaine le même jour ; procéder à l'assemblage des raisins sur le pressoir ; débourber très peu et rechercher des fermentations spontanées ; ne pas chaptaliser ; fermenter 100% en cuves bois ; veiller à des élevages longs sans aucun soutirage et travailler les vins suivant les rythmes bio-dynamiques ;
_ Elégance c'est la recherche de la pureté la plus aboutie par une proportion équilibrée d'environ 2/3 de Pinot noir et 1/3 de Chardonnay ; absence de fermentation malolactique ; une effervescence douce et sensuelle ; absence de dosage.
La couleur or/jaune soutenue est parsemée de reflets lumineux à chaque apparition de bulles brillantes. Le bouquet, intense et précis, laisse apparaître les fleurs printanières, la poire Williams et les écorces d'agrumes. A l'aération, se développent crescendo les arômes de fruits secs (noisettes légèrement grillées), le caillou chaud, les fumées et lab fève de cacao.
La mise en bouche est magistrale : le palais est emporté dans un tourbillon de saveurs, une énergie juvénile, une dynamique où les acides, la salinité, le caillou, le fruit, la texture crémeuse se juxtaposent et s'entremêlent ; des déferlantes se succèdent, donnant une sensation d'accélération soudaine, suivie d'une sérénité altière ; la fraîcheur minérale reprend de plus belle, puis s'apaise, et se fond, enfin, dans une élégante texture de velours. Puis vient l'évocation des amers, la légère astringence, qui entrouvrent les portes de la gastronomie et de la vinosité sans jamais prendre le dessus sur l'élégance et la pureté.
Louis Roederer reste une des dernières grandes maisons familiales de Champagne. Elle effectue un travail « sur mesure » dans leurs 240 hectares de vignes, situés dans les premiers et grands crus de la Marne. Toujours à la recherche d'innovation, cette maison reste une référence de créativité dans la région. On y trouve une gamme complète, où la diversité des styles n'est égalée que par le grand plaisir qu'on a à les déguster.
Louis Roederer hérite d'une maison de Champagne en 1833, visionnaire et entrepreneur, il prend le parti d'enrichir son vignoble pour contrôler toutes les étapes de l'élaboration du vin. Il agit à contre-courant des habitudes de l'époque. En effet, en ce temps, il est plus commun d'acheter les raisins aux vignerons, mais il préfère acquérir des parcelles méthodiquement en décryptant leur caractère et leur potentiel. Son successeur, Louis Roederer II, est animé par la même vision patiente du champagne, la même conception patrimoniale du domaine, la même audace instinctive. La réputation des champagnes Roederer dépasse bientôt les frontières de l'hexagone. Dès le début, on retrouve alors ce nectar sur les tables américaines, anglaises, et même celle du tsar de Russie. Il se trouve qu'Alexandre II affectionne particulièrement ce vin effervescent et demande à Louis Roederer II de lui faire dépêcher chaque année son meilleur champagne. Louis Roederer saisit cette chance pour créer une cuvée de prestige, sa pureté et son élégance inspirent son nom : Cristal.
Durant les années 1920, un nouvel héritier de la maison, Léon Olry Roederer, souhaite développer une cuvée équilibrée avec une qualité constante provenant d'un assemblage de plusieurs millésimes. Il décide alors de créer la cuvée « Brut Premier » qui sera le fer de lance de la renaissance de la maison Louis Roederer. Après son décès en 1933, c'est son épouse Camille qui dirige la maison.
En 1975, Jean-Claude Rouzaud, son petit-fils, prend ensuite les rênes. Œnologue et ingénieur agronome, il a donc les connaissances scientifiques pour perpétuer la tradition d'excellence aussi bien dans les vignes qu'au chai.
Aujourd'hui :
La Maison Louis Roederer est aujourd'hui entre les mains de son fils, Frédéric Rouzaud. Avec la même patience, le même esprit d'exigence et une inébranlable fidélité à sa vocation créative, la Maison Louis Roederer expédie aujourd'hui, trois-millions de bouteilles à travers le monde.
Par Jacques DUPONT Le Point.fr – 23 septembre 2014
Roederer et Philippe Starck , petite histoire d'une grande cuvée. Ca décoiffe chez Roederer, où l'on parle de faire passer le champagne “dans une ère moderne”, pas moins. En plus c'est bon!
Nous avions dégusté avant la date de sortie officielle mi-septembre (mais juré craché qu'on tiendrait notre langue) cette fameuse cuvée - "la" nouveauté depuis 30 ans - signée Roederer et Starck. "Une de plus dont l'habillage est confié à un designer !" penseront tous ceux un peu blasés qui chaque automne voient arriver dans les épiceries fines et chez les cavistes branchés les coffrets de luxe, avec duo de flûtes enchantées enveloppées de papier doré et cartonnage épais autant que brillant rehaussé d'un décor chargé comme une poitrine de maréchal soviétique grande époque... Que nenni, cette petite dernière ferait davantage dans le genre communiante année cinquante, juste l'aube blanche à peine froissée de quelques infos obligatoires griffonnées. Ce n'est pas tout. Philippe Starck ne s'est pas contenté de dessiner, il a aussi exigé de participer. On le comprend. Pour un grand amateur et buveur de champagne comme lui, l'occasion se faisait belle et unique...
Jean-Baptiste Lecaillon nous a raconté comment l'idée de cette cuvée leur est venue : "En 2003, on a isolé sur Cumières des parcelles de pinot noir sur argile froide qui mûrissent extrêmement tard et cette année-là, celle de la canicule, on a eu une réaction à part, un comportement atypique. On a suivi en 2004 et 2005 pour voir comment les vins réagissaient. En 2006, autre année très chaude, réaction identique, particulière, une vraie personnalité." Dans la foulée, Fredéric Rouzeaud, le big boss, et Philippe Starck se rencontrent. "Je suis allé le voir car j'aimais bien ce qu'il faisait, surtout sur le plan architectural. Je savais que c'était un grand amateur de champagne et j'avais envie de faire quelque chose avec lui, pas forcément que sur le vin d'ailleurs. Tout de suite, il m'a dit : je bois des quantités de champagne et je ne bois que du non dosé. Mais attention, je ne veux pas faire une étiquette et basta, si je fais quelque chose, je veux participer à tout..."
Vérité, terroir, élégance, abstraction...
Quelques années et des dizaines d'essais plus tard, les pinots noirs 2006 de Cumières se sont vu adjoindre 1/3 de chardonnay pour conférer à la cuvée un côté plus souriant avec un soupçon de meunier pour le fruit. "Tout a été vendangé le même jour, assemblé sur un pressoir traditionnel. On a procédé à 5 à 6 heures de débourbage, vinification sous bois, élevé longuement sous bois et sous inox et on a moins de 5 kilos de pression pour préserver les saveurs..." (Le champagne généralement est à 6 kilos de pression.) Un brut nature 2006 que Frédéric Rouzeaud définit ainsi : "vérité, terroir, élégance, abstraction..." Nez de sous-bois, craie, profond et minéral, bouche savoureuse, tendue, très minérale, d'une grande longueur... Autant, nous approchions cette nouvelle cuvée "starckienne" avec les préjugés dont il convient de se munir dés qu'en Champagne on évoque davantage le designer que le vin - ce qui d'ailleurs n'est pas le cas -, autant nous avons été enthousiasmés par la pureté du résultat.
Côté habillage, Philippe Starck a opté pour le dépouillement et la discrétion : capsule brute, sans peinture, et coiffe en étain grise "exempte de toute inscription". L'étiquette, au papier "d'inspiration japonaise qui résiste à l'eau" blanche et minimaliste résume ainsi cette histoire : "C'est un champagne brut nature millésimé élaboré en 2006 par Louis Roederer et Philippe Starck à Reims, en France." On ne peut guère faire plus modeste même chez les Amish, qui, paraît-il, ne boivent que du cidre, les pauvres.